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2007 : l'E-pétition, un peu de démocratie participative pour enrichir la démocratie représentative [interview]

En filigrane de la campagne présidentielle qui s’amorce, un débat de fond sur le renouveau démocratique et le fonctionnement des institutions représentatives émerge doucement mais sûrement. La récente polémique suscitée par les propositions de constitution de « jurys citoyens » par Ségolène Royal s’inscrit plus ou moins dans ce courant de réflexion sur la « démocratie participative ».

Le concept de « démocratie participative » n’est ni nouveau ni la propriété exclusive d’un candidat, mais le débat qu’il suscite a le mérite de provoquer d’intéressantes réflexions et propositions sur la modernisation de notre système politique que d’aucuns jugent à bout de souffle.

Parmi ces idées, l’une d’entre elle, évoquée il y a très exactement un an à l’occasion du 6ème forum de la E-démocratie d’Issy-les-moulineaux en octobre 2005, nous parait plus que jamais digne de considération : il s’agit de l’extension du droit de pétition (existant mais peu usité) pour l’adapter à notre société numérique, encourager le développement de l’ e-démocratie qui a fait ses preuves au niveau local, et permettre au Parlement de jouer son rôle dans le nouvel espace public numérique.

Cette idée, appliquée depuis plusieurs années chez certains de nos voisins européens, avait été reprise par une vingtaine de députés, emmenés par le très électronique André Santini, sous la forme d’une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale pour étendre la recevabilité des pétitions (art. 147) aux supports numériques. Cette proposition est à ce jour restée lettre morte.

Nous voulons cependant croire qu’elle n’est pas pour autant enterrée. A la faveur des débats actuels sur les propositions de réformes et de l’expérience acquise ces dernières années en matière de participation citoyenne, il est permis d’espérer des avancées en la matière de la part des candidats à l’Elysée et des partis qui les soutiennent. Nous nous permettrons ainsi de les solliciter à ce sujet et vous ferons part de leurs réponses et propositions éventuelles.

Cette mesure n’est certes pas la panacée pour notre système institutionnel bien mal en point, mais il nous semble être un pas en avant, relativement aisé à mettre en place, pour recréer un peu de ce fameux lien entre les citoyens et leurs institutions représentatives.

Loin de nous donc l’intention de prêcher l’anti-parlementarisme ; nous croyons au contraire que le Parlement a un rôle clé à jouer dans le développement de la démocratie électronique pour offrir au web citoyen un lieu de débat constructif là où trop souvent il n’est qu’un sas de décompression des frustrations politiques. Pour passer de la confrontation d’ opinions, à la « condensation » (P. Rosanvallon) de l’opinion publique, de la logique d’interpellation à une logique de délibération, une telle interface de médiation légitime s’avère indispensable.

Photo de Anne Macinstosh Afin d’illustrer concrètement le fonctionnement d’un tel système de propositions citoyennes, nous publions ci-après une interview du Professeur Ann McIntosh du Centre de Recherche de l’Université de Napier en Ecosse, à l’origine du système mis en place aux Parlements écossais et allemand.

Netpolitique : depuis combien de temps existe le droit de soumettre des pétitions électroniques en Ecosse ?

Ann McIntosh : Depuis 6 ans. En Juillet 1999, le Parlement écossais a officiellement vu le jour. Une partie du pouvoir central, détenu par Londres a été décentralisé au profit de l’assemblée locale écossaise. L’un des principaux documents définissant les règles de fonctionnement du nouveau Parlement identifiât quatre principes fondamentaux, unanimement approuvés par le Parlement : - partage du pouvoir (« sharing the power ») - devoir de rendre compte (« accountability ») - accès et participation (« access and participation ») - égalité des opportunités (« equal opportunities »)

La mise en place d’un Comité des Pétitions Publiques, dont le rôle consiste à prendre en compte ces pétitions, a largement contribué au développement de cette culture. En coordination avec le Centre International de Télé-démocratie de l’Université de Napier et British Telecom, le Parlement écossais a introduit le système « e-pétitionneur » et a accepté sa première e-pétition en décembre 1999. Le développement du système e-pétitionneur doit être considéré dans le contexte plus général de volonté du Parlement d’utiliser les TIC pour faciliter l’accès à la participation politique. Ici, tout le monde peut pétitionner en ligne, les instructions sont faciles à suivre.

Netpolitique : Cela a-t-il réellement facilité une participation accrue des citoyens aux débats publics, ou cela a-t-il contribué à un déluge de spams politiques ?

Ann McIntosh : Cela a contribué à une plus grande participation politique. Les objectifs du systèmes e-pétitionneur, et les processus de gestion mis en place, sont destinés à fournir un service aux citoyens pour soulever des problèmes et faire en sorte qu’ils puissent être traités au travers des processus formels du Parlement. De manière spécifique, le système e-pétitionneur vise à développer l’accès des citoyens au processus de pétition. L’objectif de développer l’accès au Parlement a été réalisé du fait de ses modalités : - tout citoyen est en mesure d’initier une e-pétition pour peu qu’il accepte les principes d’admissibilité, comme par exemple, de s’assurer que le sujet relève bien de la compétence du Parlement écossais. - Les pétitions doivent être comprises comme des sujets de débat public pour une population géographiquement éparse, et non pas comme de simples documents électroniques devant être délivrés aux représentants élus. Ces pétitions électroniques viennent s’ajouter à l’aspect participatif du système traditionnel de pétition en donnant la possibilité à des citoyens de discuter en ligne d’une e-pétition, qu’ils y apportent leur signature ou non.

L’Ecosse est composée de grandes zones rurales et un tel système permet aux citoyens de réunir des soutiens pour leur pétition. Cela permet également aux pétitionneurs aux quatre coins du pays de coordonner leurs campagnes, ce qui est utile pour permettre au Parlement de voir de quels soutiens elle bénéficie et où. Par exemple, un comité parlementaire a pu prendre en compte une e-pétition sur la fermeture des écoles en zones rurales, et il était clair d’après les commentaires déposés sur le forum que le sujet était pertinent dans plus d’une localité en Ecosse.

Au cours de la session actuelle du Parlement, 67 e-pétitions ont été initiés concernant de nombreux sujets allant du « haut-débit pour tous les Ecossais à l’horizon 2005 », à « la politique culturelle et touristique de Robert Burns », en passant par « L’érosion fluviale et côtière ». L’une des forces du système repose sur l’éventail des sujets amenés par les citoyens sans qui le Parlement n’y prêterait aucune attention. Plus de 33 000 signatures ont été ajoutées en soutien à des pétitions au cours de cette période et plus de 880 commentaires ont été déposés dans les forums de discussion. Le forum contribue à l’objectif de développement d’une « culture de consultation et de participation », en encourageant des communautés auparavant exclues du processus politique à s’intéresser au travail du Parlement.

Les signatures apposées aux pétitions sont régulièrement vérifiées pour éliminer les noms et adresses invalides, et le forum est modéré quotidiennement. En particulier, les commentaires sont vérifiés pour s’assurer qu’ils sont en rapport avec l’objet de la pétition et qu’ils ne sont ni potentiellement diffamatoires ni choquants. Au cours des six années d’utilisation du système, nous n’avons jamais été confrontés à des campagnes de spam politique.

Nous avons reçu des feedbacks très positif des visiteurs, récoltés via des questionnaires qu’ils remplissent lorsqu’ils quittent le site de l’e-pétition. Le comité a également reçu un feedback positif résultant des questionnaires d’évaluation complétés à l’issue d’un certain nombre d’évènements que nous avons organisés à travers le pays. Une étude a également été réalisée à base d’entretiens individuels et qui a montré que l’ensemble des participants considérait le système e-pétitionneur comme un outil utile pour influencer les élus.

Netpolitique : Si le Parlement français venait à mettre en place un tel système, basé sur le modèle écossais, quels seraient, selon vous les pièges et les astuces à prendre à compte ?

Ann McIntosh : Les principaux enseignements ont été les suivants :

- la nécessité d’une volonté commune d’innover pour permettre l’implication du public - des instructions claires et simples doivent être publiées, dans l’intérêt de la transparence et de la gestion du processus - pour faciliter l’accessibilité du processus, l’interface du système doit lui-même être accessible et simple - intégrer des capacités de débat en ligne aux e-pétitions permet d’ajouter une dimension de discussion publique au processus électronique de pétition, y compris de discussions avec les élus lorsque cela est approprié, sur des sujets qui concernent les citoyens - la crédibilité vis-à-vis de l’opinion est un élément clé de l’inscription dans la durée du système d’e-pétition en tant que mécanisme participatif. Cela signifie que l’une des clés du système d’e-pétition réside dans la capacité à suivre les progrès d’une pétition électronique au fur et à mesure du processus de décision. La gestion de ce processus doit donc proposer une information régulièrement mise à jour afin que les citoyens et d’autres puissent suivre pas à pas le processus politique.

Le système d’e-pétition du Parlement écossais a ouvert la voie en donnant à des citoyens la possibilité d’une meilleure interaction avec le processus politique. Au plan international, cela est perçu comme une grande innovation dans l’usage des TIC. Il a rempli ses objectifs principaux visant à rendre le processus de pétition plus accessible et transparent, et à permettre un contrôle des élus autrement que par le seul bulletin de vote. L’approche du Parlement écossais s’est par ailleurs montrée adaptable à d’autres organes législatifs, tel que le Bundestag allemand qui l’a adopté

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1. Le mardi 7 novembre 2006 à 00:56, de Le blog du secrétariat national aux NTIC du Parti socialiste

E-pétition : le modèle écossais

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2. Le mardi 7 novembre 2006 à 16:59, de pdld [Place de la Démocratie]

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